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Fils de Pierre Bovet et de Marie Josephine Andrey, Joseph Bovet est né à Sâles, en Gruyère, le 8 octobre 1879.
Troisième enfant d’une famille de dix, il entreprend le parcours scolaire caractéristique des jeunes qui se
destinent à la prêtrise. Ecole primaire dans son village natal, Collège Saint-Charles à Romont, Collège
Saint-Michel à Fribourg (1896-1900), passage par Einsiedeln (1900-1901) avant un séjour d’étude au couvent
bénédictin de Seckau en Autriche (1903). Ses études au Séminaire de Fribourg achevées, il est ordonné prêtre
le 23 juillet 1905.
Durant cette première période, Joseph Bovet s’initie de différentes manières à la musique. Avec son père,
instituteur, il collecte des partitions et des chansons anciennes, qui sont rassemblées dans les volumes de
La Gruyère illustrée. Ce travail d’ «ethnomusicologue» lui permet de nourrir ses connaissances au sujet de
la musique populaire régionale. Au Collège Saint-Michel, il dirige la fanfare pour laquelle il compose quelques
marches. A Einsiedeln, il étudie l’orgue avec le père Staub et le chant grégorien avec le père Breitenbach, alors
qu’à Seckau il parfait sa formation musicale.
De 1905 à 1908, il accomplit son ministère dans la paroisse Notre-Dame à Genève, un milieu urbain qui ne lui convient
pas spécialement. Mais Joseph Bovet se fait remarquer par sa hiérarchie comme un entraîneur et un entrepreneur. Ainsi
dirige-t-il en avril 1907 une de ses compositions, Plaintes du comte de Gruyères en exil.
Mais en 1908, l’évêque et le Gouvernement rappellent ce jeune prêtre plein de promesses. En quelques années, ils lui
confient des responsabilités importantes pour la formation musicale du canton. Dès ce moment - et jusqu’en 1949 - il
forme musicalement les instituteurs fribourgeois en sa qualité de professeur à l’Ecole normale d’Hauterive. A cette
responsabilité s’ajoute, dès 1910, la charge de professeur de chant sacré au Séminaire diocésain. Ainsi, durant quatre
décennies, l’abbé Bovet tient en ses mains la formation des deux courroies de transmission que sont les instituteurs
et les prêtres. Grâce à ce travail pédagogique, il parvient à réorienter de manière fondamentale l’activité musicale
fribourgeoise. Des ouvrages comme Le Kikeriki (1933) et L’Ecolier chanteur (1936) rencontrent un vif
succès dans les établissements scolaires de Suisse romande.
Rapidement, le prêtre devient le moteur de toute la vie musicale de son canton. Nommé maître de chapelle à la cathédrale
Saint-Nicolas - en 1923 - il assied son influence sur la musique liturgique. Dès 1916 en effet, à la demande de son évêque,
il avait pris les rênes du mouvement des Céciliennes, ces chœurs d’église qui animent musicalement la liturgie.
Durant près de trente ans, l’abbé Bovet est de toutes les fêtes, de tous les concours, de tous les cours de formation.
Il est l’âme du mouvement, dont il va tripler les effectifs pour les hisser à 4000 membres en 1946.
Mais Joseph Bovet développe également une autre facette de son talent, celui de chef d’orchestre et de chœur. La Landwehr,
l’Orchestre de la ville, la Société de chant de la ville de Fribourg, le Groupe choral qu’il fonde en 1918, le Chœur-Mixte
de Saint-Nicolas, la Maîtrise de Saint-Nicolas plus connue sous le nom des Pinsons de l’abbé Bovet : impressionnante est la liste
des ensembles dirigés par l’abbé. A leur tête, ils interprètent ses propres partitions mais s’aventurent aussi vers le grand
répertoire. Paulus et le Lauda Sion de Mendelssohn, la Création et les Saisons de Haydn,
le Désert de David, les Requiem de Mozart et de Cherubini, la Passion selon Saint-Marc de Perosi,
de nombreuses cantates de Bach mais aussi des œuvres plus contemporaines comme le Roi David de Honegger et le
Psaume LXXX de Roussel.
A travers ces multiples activités, celui qui est chanoine du Chapitre de Saint-Nicolas depuis 1930 influence le goût musical
collectif. Durant la Deuxième guerre mondiale, il participe à la Défense nationale spirituelle en sillonnant la Suisse entière,
accompagné de ses ensembles, donnant causeries et auditions à la troupe et aux civils, dont il remonte le moral.
Le nom de Joseph Bovet est resté attaché à ces structures musicales, dont certaines lui ont survécu. Mais son rayonnement, l’abbé
le doit aussi à ses compositions. Ce sont pas moins de 3000 œuvres qui composent actuellement son catalogue. Réparties assez
équitablement entre profane et sacré, ces compositions, d’inégales dimensions et valeurs, ont été notamment diffusées dans de
nombreux chansonniers édités dans toute la Suisse romande. Durant la première moitié du XXe siècle, rares sont les recueils de
chant qui ne contiennent des compositions de Bovet.
Emblème de cette production, le Vieux chalet (1911) a rencontré dès sa publication un immense succès, traduit dans de
très nombreuses langues. Si les œuvres de l’abbé Bovet ont touché le peuple, c’est notamment en raison de la simplicité
de leur forme, de leur qualité mélodique, du caractère rassurant qui en émane. Perçu comme un des maîtres de la chanson populaire,
Bovet a su offrir à ses contemporains une sorte de « patrie musicale », au moment où la société rurale subissait les assauts
de la modernité. Ses festivals, et notamment Mon Pays (1934) monté à l’occasion du Tir fédéral, furent de grandioses
mises en scène d’un pays à la recherche de son identité.
Présenté à la fin de sa vie comme le « barde du pays », le charismatique prêtre a joui d’une immense popularité, au point d’avoir
des obsèques quasi nationales, à son décès le 10 février 1951. Par deux fois, les Fribourgeois lui ont élevé une statue :
à Fribourg en 1955 et à Bulle en 1957. Une chose unique dans les annales du canton. Sa mémoire a fait l’objet d’un véritable
culte, notamment parmi les Fribourgeois de l’extérieur, une association issue de l’exode rural qui a fixé la figure du musicien
sur son drapeau.
En 2001, à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa mort, les nombreuses manifestations et concerts ont témoigné de la
pérennité du souvenir d’un musicien qui tient, pour Fribourg, d’un véritable lieu de mémoire.
Patrice Borcard
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